Élevages de demain : quand les innovations servent la durabilité
Le futur de l’élevage exige qu’il trouve les voies vers une plus grande durabilité, selon 4 des 17 objectifs identifiés par la FAO : assurer la sécurité alimentaire, préserver la santé et le bien-être animal, l’économie de l’agriculture, le climat et l’utilisation des ressources naturelles.
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Plusieurs nouveaux modèles d’élevage émergent, portés par les questions de bien-être animal et de réduction des impacts environnementaux, la santé animale et l’efficacité économique s’entremêlant à ces deux axes centraux. C’est le cas du concept d’élevage alternatif porcin Physior entre l’élevage conventionnel et le bio, conçu par Le Gouessant dès 2018-2019 pour le bien-être animal mais aussi celui de l’éleveur. C’est ce qu’expliquait Christelle Houdard, directrice générale adjointe de la coopérative, lors de la 5e journée « Natural Concept » organisée à Rennes le 29 novembre dernier par le groupe Grimaud, Innoval et la Fondation Institut Agro. Tous les animaux, qui vivent dans une densité moindre qu’en conventionnel, bénéficient de trois zones de vie : couchage, alimentation et déjection. Les truies gestantes et les porcelets sont logés sur paille (broyée et dépoussiérée). À tous les âges, les porcs ont accès à l’air libre via une courette et la lumière naturelle dans les bâtiments.
Premier élevage Physior chez Le Gouessant
Le premier élevage Physior est entré en production en avril 2021. Cet élevage naisseur-engraisseur de La Maison Neuve compte 265 truies pour une production de 6 200 porcs charcutiers par an. Il est sous contrat de 12 ans avec Kerméné, filiale du mouvement Leclerc, une sécurisation pour ses revenus. Aujourd’hui, trois fermes fonctionnent sur ce modèle avec un premium prix, même si pour l’instant les distributeurs n’ont pas encore mis en avant cette production en attendant que les volumes soient plus significatifs. « Le consommateur a envie d’acheter des produits issus de ce type d’élevage, même si pour l’instant la situation économique est un peu difficile, pointe la responsable. Pour le développement, il faut aussi séduire les éleveurs et les banques car, même si la coopérative soutient la démarche, il faut investir. Chez nous, les techniciens sont passionnés par le projet. »
Combien d’agriculteurs pour conduire ce changement
Autre exemple bien-être, la marque Lapin & Bien lancée en 2019 à partir des modèles développés d’une part chez Terrena et d’autre part à la Cavac. S’y sont engagés, dès 2018, les éleveurs dont les lapins sont commercialisés par Loeul & Piriot. Les trois axes valorisés portent sur l’origine des animaux, leur alimentation et leur mode d’élevage : des animaux nés en France (Bretagne, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine), bien nourris (Bleu-Blanc-Cœur, sans OGM) et bien élevés. Ils sont au sol, dans de larges enclos avec beaucoup d’espace. Ces deux premiers exemples mettent en avant le bien-être des animaux et des éleveurs, critères fondamentaux pour l’évolution des productions animales.
Cependant, « il existe un premier enjeu de taille : combien d’agriculteurs va-t-il rester pour conduire ce changement de modèle ? », s’interrogeait Thierry Pouch, de l’APCA, durant cette journée. Selon René Baumont, de l’Inrae, qui présentait les travaux du groupement d’intérêt scientifique, GIS Avenir Élevage, le 10 novembre à Paris, 312 000 équivalents temps plein (soit 415 000 personnes) sont directement liés à l’élevage, plus 9 000 ETP pour la production de céréales consommées dans les élevages.
Des modèles plus disruptifs ?
Autre modèle plus disruptif en apparence, Mangrove 1, le démonstrateur de la start-up Agriloops fondée en 2016, associe élevage de gambas en Bretagne et maraîchage. Elle coche les cases de l’économie circulaire, les effluents de l’élevage apportant la fertilisation nécessaire à l’atelier hydroponie. C’est une idée forte pour répondre à plusieurs enjeux auxquels les productions animales sont confrontées.
La même logique préside à la recherche d’autonomie des élevages de ruminants. Elle modifie en effet profondément les systèmes de production : réduire de 50 % le maïs fourrage dans les rations des vaches laitières réduirait par exemple de 47 % les importations de soja au profit d’une augmentation d’1 Mha de prairies à légumineuses. « Mais ce challenge ambitieux exige une réelle maîtrise technique de la gestion de l’herbe (ensilage, enrubannage, pâturage) et de ses aléas », explique André Le Gall, chef du département technique d’élevage et environnement de l’Idele.
L’élevage des insectes est un autre segment porteur d’innovation : outre les fermes de grands volumes conçues par les leaders comme les Français Ynsect et Innovafeed ou le néerlandais Protix, un autre modèle assez similaire à l’aviculture est en réflexion par Invers et ses actionnaires coopératifs (Limagrain, Oxyane, Eurea) en Auvergne-Rhône-Alpes, et en Bretagne par Le Gouessant qui s’inspire des résultats de la start-up Mutatec. Et la recherche s’est aussi emparée de la question du bien-être de ces insectes auquel se consacre une équipe de l’université de Tours - Inrae qui partagera ses réflexions le 26 mai prochain.
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